mardi 25 septembre 2007

Voyage d'affaires

Demain, finie la grisaille parisienne, je file en Espagne pour un voyage d'affaires express ! Voyage d'affaires, j'adore ces mots !... Tous frais payés aux frais de la Déesse Europe -[pas trop cher je vous rassure et ma présence est indispensable, que feraient-ils sans moi, petites âmes perdues, sautillantes sur leurs sièges dans l'immensité d'un Palais des congrès à moitié vide ! ]...

Mon amour, enlaçons-nous enfin !

jeudi 20 septembre 2007

Colloque et Cie

A peine remis des mes aventures suédoises, ma carcasse glissée dans une rame de métro bien tassée, je fonce pleine balle vers l'Ouest parisien. Là m'attend une journée de colloques - conférences pleine de promesses : La 4eme Convention E-Commerce Paris 2007 : Préinscription gratuite, n'attendez pas !


L'entrée dans le Palais des congrès tient du parcours initiatique : souterrain visqueux et murs transpirant de crasse ; sorte de cordon ombilical entre deux mondes - celui des humains et le fabuleux monde virtuel du commerce en ligne.

Une zone de transition - un hall en réfection - échafaudages et structures métalliques emboitées, passerelles et pontons suspendus. Des ouvriers et des peintres se balancent dans le vide, passant d'une plate-forme à une autre comme des singes acrobates, et donnent à cette journée une inflexion tranquillement surréaliste...

En haut des escaliers ; le monde parallèle du markéting.
C'est une nuée de clones dont on ne sait pas s'ils existent en vrai, en dehors des heures de travail ; si à la fin de la journée il errent dans des lieux inconnus de nous ou sont rangés dans des placards secrets attendant qu'une main invisible leur prête vie chaque matin. C'est une multitude de vestes rayées, de chemises violettes satinées, de boutons de manchette nacrés, de cheveux effets-mouillés et savamment ondulés.

Les conversations roulent comme des petites billes sur une moquette épaisse. Tout semble anodin dans ce monde aseptisé, mais les rituels suivent en réalité un code savamment codifié.

Un mélange de psychologie de bazar et d'études comportementales, des phrases types, un mot sur deux en anglais, phrases d'accroche tout droit sorties des manuels d'école et débitées à la coupe, comme les longues complaintes sans âme des sdf dans le métro.

Entre les pauvres dans l'errance et les cadres gominés, de l'extérieur il y a un monde. Mais à l'intérieur, la même misère; une spontanéité feinte de bateleurs en tournée, pas une phrase qui ne soit apprise par coeur, malaxées cent fois et récitée d'une triste voix de métronome. Des phrases formatées, sans sens ni but, parcheminées d'anglicismes qui ne veulent rien dire. La langue des pantins et des analphabètes.

Des accroches toutes prêtes, des césures ciselées aux petits oignons, des petites astuces minutées, glissées avec un regard complice, pour détendre l'atmosphère, de l'assurance en boite certifiée inusable et garantie cent ans.

Identique cette tristesse aussi. Les petits stands déserts, les costumes et les tailleurs raides et inutiles, dépliés sur des estrades trop grandes pour eux, moqués par leurs confrères, se balançant d'avant en arrière dans une transe hypnotique, comme les joueurs en pause des jeux vidéo. N'attendant qu'un appel pour s'animer enfin et sortir de leur torpeur comme un diable à ressort de sa boite.


Dans cette procession de robots de carnaval, quelques spectateurs hagards, facilement identifiables. Engloutissant stoïques, pour tenir le choc, des sandwichs mietteux et de grands gobelets de café acre. Faisant des sauts de puce de stand en stand, jonglant avec les concepts, tentant des synthèses improbables, et glissant - malgré des efforts vains - sur la surface polie des papiers glacés des brochures vers un abîme sans fond.

La journée se prolonge dans un délire de fièvre. Alors que j'errais dans les allées labyrinthiques, j'aperçus deux anges siamois, émissaires virginaux d'un bras vengeur. Deux nymphes éberluées, aux ailes de riches plumes soyeuses d'un blanc immaculé, majestueuses et dignes, diaphanes, légères d'une grâce absente. Deux espionnes glissant parmi nous avec l'assurance tranquille des saints.

Pris de peur je décidai de m'enfuir...


mercredi 12 septembre 2007

Allez y doucement cette fois

La pub nous en promettait des merveilles ; une vie de rêves éveillés, de crocodiles apprivoisés se faufilant à nos pieds , extatiques, comme sur le point de ronronner, des filles pour le commun des mortels hautaines et dédaigneuses, mais à moi offertes, lovées autour de mon cou, cajolantes même, faisant jouer leurs doigts agiles sur le bord de ma chemise négligemment ouverte !

Et moi transformé, non plus une paillette lumineuse ballottée dans un tunnel de doute, mais un fier guerrier des temps modernes, quoique sensible pourtant, le corps bardé de muscles saillants, mais dynamique encore, profilé, comme étudié en soufflerie. Bref, un beau brun ténébreux libre d'une vie de plaisirs !

Vous l'avez compris, j'allais être, mais pour quatre jours seulement, le propriétaire d'une Toyota Aygo, rouge, scintillante, frémissante dans l'attente du départ.

Et là devant nos yeux ébahis, le miracle se produit et nous devenons les spectateurs de nos propres vies, un univers des possibles toujours ouvert s'ouvrant à nous, se déroulant comme un long ruban sans fin.

Nous nous sentons d'emblée appartenir à la caste des hommes libres ; notre vie défilant à nos côtés à des vitesses improbables, et nous bien calés, flottant de bonheur dans ce monde de manga, envoyant des regards complices au bikers alentours !

Les kilomètres défilent, et nous revient sans cesse cette petite musique, comme une litanie, qui remonte de l'asphalte : Allez y doucement cette fois...

vendredi 7 septembre 2007

Sauts de puce

Sauts de puce d'îles en îles, notamment Utö et Fjarland.

Etablissons notre camp de base dans les campings déserts [les derniers touristes se sont fait suçoter la moelle et les os par des moustiques voraces] et passons nos journées à nous perdre sur des sentiers de pierre et de bruyère.

Nous laissons bercer par la somnolence tranquille des îles en fin de saison et par l'activité placide des petits ports. Villages et fermes essaimés d'une grappe de bâtiments d'un beau rouge/rouille.

Un temps figé semblable à nos souvenirs d'enfance semble ressuscité, jusque dans ses couleurs jaunes orangées des fins d'après midi. Un temps de jeu et d'insouciance où rien n'avait d'importance que de dormir dans des cabanes, de courir éperdus sur des pontons de bois et de sauter dans l'eau, encore et encore, ne se séchant jamais, de l'eau plein les yeux et les cheveux plaqués, laissant le soleil nous griller la peau.

Un temps à régner sur un monde de forêts multicolores et lumineuses à décider en maître du destin d'une armée de petites bêtes et à tracer pour elles une vie de gloire et d'aventures sur des chemins nouveaux.

Mais l'enfance en allée trouve ses compensations.
Les criques perdues recèlent de plaisirs nouveaux, et je me voyais mal, il y a longtemps déjà, imaginer dans les paysages et les plis de matière des mondes en miniature.

Recherchant des équilibres entre les lignes de fractures, des tableaux abstraits dans les fragments de matière, des notes de musiques dans les arrangements de petites mousses phosphorescentes tachetant la surface grise des roches.

Comparant la peau grêlée des pierres à des paysages vus d'avion, la moindre crevasse semblable à un cours d'eau reptilien, ou rêvassant des heures, m'imaginant, en macro, lilliputien dans un monde géant de mousses et de lichen.

Quittons Fjarland le lendemain d'une nuit d'automne, notre petite tente bien isolée au milieu d'une grande clairière bordée d'une forêt agitée de soubresauts. Comme rendue vivante sous les coups du vent.

Nous prélevons quelques branches de bois mort sans s'aventurer trop pour ne pas réveiller quelques vieux maléfices vikings [bien gardés cependant par les épeires dodues traquant les moustiques et les français bien nourris dans l'arrangement savant de leurs toiles géantes]. Alors que le soir tombe, la fumée de notre feu se confond avec un brouillard chargé de pluie.

Le vent fait frissonner la cime des arbres. Bien agrippés à nos marshmallows grésillants on se dit que l'hiver ici ne doit pas être tendre pour les âmes en délicatesse. Une nuit d'encre d'un noir épais mâtiné de bleu sombre nous avait depuis longtemps enveloppés qu'un grand suédois surréaliste sort à poil de son sauna et s'ébroue au loin dans un bac d'eau glacée.

Portées par le vent, nos pensées et les braises incandescentes s'envolent et se perdent…